Thomas BERTHOD (Sphère) : Une approche constructiviste des mathématiques chez Lebesgue ?

Séminaires Séminaire « Histoire des Mathématiques »
Salle Visioconférence, M3

Au début du XXème siècle, les mathématiques sont confrontées à ce que l’on appelle communément la crise des fondements. Pour résoudre cette crise, différentes stratégies sont proposées créant ainsi différentes positions autour des fondements des mathématiques. Un groupe de mathématiciens français composé principalement d’Emile Borel, Henri Lebesgue et René Baire apparaît fréquemment comme les défenseurs d’une position spécifique. Certains auteurs proposent même l’idée d’une école française ou de Paris. Parmi ces auteurs, certains vont même jusqu’à avancer l’idée que cette école défendrait une sorte de « semi-intuitionnisme » ou de « pré-intuitionisme ». L’un des éléments qui les pousse à identifier une telle école est l’approche constructive des mathématiques que prôneraient ces mathématiciens français. Mais pouvons-nous réellement identifier une telle approche au sein des travaux de ces mathématiciens ? Si tel est le cas, quelle forme prend-elle dans leurs travaux ? Défendent-ils réellement une approche constructive unique et commune ? Ne sommes-nous pas confrontés au contraire à plusieurs entreprises constructivistes bien distinctes ? L’objectif de cet exposé est de clarifier ces points. Pour cela, nous concentrerons sur le cas de Lebesgue, même si nous nous permettrons quelques comparaisons avec Borel et Baire.

Pour cerner la position défendue par Lebesgue, nous regarderons son point de vue sur la question de la preuve de l’existence d’objets mathématiques. Nous aborderons ce point notamment à travers son article « Sur certaines démonstrations d’existence » publié en 1917 dans le Bulletin de la Société mathématique de France. L’article permet de mieux cerner les méthodes qui établissent selon Lebesgue l’existence d’objets mathématiques. Il permet aussi de clarifier davantage ce qu’entend Lebesgue par « nommer » un objet mathématique. Ce terme a souvent été interprété comme une volonté de sa part d’adopter une attitude constructive ou effective dans les raisonnements mathématiques. Cependant, cet article nous montre qu’en réalité l’attribution d’une telle signification à ce terme n’est pas aussi évidente. Nous conclurons notre exposé par quelques remarques autour des dénominations associées à cette école française, en particulier celle de « semi-intuitionnisme ». Nous soulignerons que derrière cette dénomination, certains auteurs tentent de défendre la position intuitionniste en établissant notamment une filiation historique entre cette position et l’école française. Ici histoire et philosophie s’entremêlent : l’histoire devient un moyen pour promouvoir une certaine conception philosophique.


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